Chantons sous la pluie retrace de façon simplifiée et plutôt nostalgique l'une des plus grandes étapes de l'histoire du cinéma, le passage du muet au sonore et parlant. Se basant sur l’influence qu’a eu cette mutation sur la naissance des films musicaux, le producteur Arthur Freed, auteur de la plupart des chansons pour le cinéma des années 30, trouva l’idée de situer l’action de sa nouvelle comédie musicale à cette période parfaitement à propos.

S’appuyant sur des anecdotes d’époque (caméras trop bruyantes, voix d’acteurs insupportables, problème d’accommodation aux micros, etc.), mélangeant ironie et humour, le film retentit comme un hommage aux débuts du genre. La bande originale est exclusivement constituée de grands succès musicaux, "Singin’ in the rain" en tête, et l’esthétique est directement inspirée de celle utilisée par les réalisateurs des années 30 et en particulier Busby Berkeley. La séquence chatoyante et florissante de "Beautiful girl", représentant le triomphe du film musical et de ses vedettes venues des scènes de music-hall, en est le parfait exemple.

Gene Kelly, tout juste sorti du triomphe de Un Américain à Paris de Vincente Minelli, et Stanley Donen, grand collaborateur de Kelly réputé pour ses idées de mise en scène intelligentes, étaient déjà sur le projet sous la houlette de Freed. Pour compléter l’équipe, ils choisirent à leurs côtés des acteurs de première ligne, issus du milieu du music-hall et de la scène.

MUCH MORE THAN A SHADOW ON SCREEN


Le choix de Debbie Reynolds pour le rôle de Cathy Selden fut le plus évident. La demoiselle était devenue depuis 1950 l'ingénue malicieuse de la MGM, après avoir été remarquée dans Trois Petits Mots de Richard Thorpe et Two Weeks with Love, dont la mise en scène chorégraphique était réglée par Bubsy Berkeley. Son rôle de jeune starlette talentueuse cherchant la reconnaissance et la renommée dans Chantons sous la pluie va l'asseoir au sommet des stars du genre pour cinq ans.

A peine âgée de 19 ans, elle y est rayonnante, faisant preuve d’une grande maturité. Donald O'connor, dont les parents étaient artistes de music-hall, n'était quant à lui pas très connu du public malgré sa trentaine de films, mais était réputé des studios pour être un acteur, danseur et chanteur loufoque. Postulant parfait pour le rôle de Cosmo, le copain boute-en-train, grimaçant et toujours de bonne humeur, Chantons sous la pluie l'a révélé au grand public, mais s'est avéré être le seul film à la mesure de sa fantaisie.

Il en va de même pour Jean Hagen, actrice de théâtre depuis les années 40. Elle n’est reconnue au cinéma que pour son premier rôle dans Quand la ville dort de John Huston, sorti en 1950, quand l’équipe Freed l’engage. Avec un humour certain, elle interprète le rôle de Lina Lamont, la star blonde sans cervelle qui se fie aux tabloïds pour mener sa vie privée, et obtient ainsi une nomination à l’Oscar du meilleur second rôle féminin. On trouve également dans ce casting très réussi le nom de Cyd Charisse, qui fait une apparition très brève mais des plus remarquées. Choix très judicieux que celui de la reine des danseuses d'Hollywood pour représenter l'envoûtement que procure New-York pour les jeunes acteurs qui désirent tenter leur chance au royaume du music-hall.

THE DANCING CAVALIER


Cette deuxième collaboration entre Stanley Donen et Gene Kelly marque l’apogée du duo. Leur mise en scène est exemplaire, intégrant à merveille les chorégraphies dans le déroulement de l'histoire. Que ce soit par le biais d’une représentation de music-hall, par l'évocation d'un souvenir, d’un exemple, sous couvert d’une déclaration d'amour, d’un délire collectif ou d’une euphorie passagère, il y a toujours un prétexte valable pour intégrer la danse au reste du récit. Il en ressort des scènes sublimes qui sont restées gravées dans les annales du genre.

Après un bref flash-back clownesque sur la reprise de Fit as a fiddle, le film ouvre le bal sur une première version très enlevée de All I do is Dream of You, représentée lors de la soirée de la première par des starlettes dansant le charleston en juste-au-corps roses du plus bel effet. Cette première séquence de danse est presque immédiatement suivie par le parfait Make 'Em Laugh, interprété par un Donald O'Connor très à son aise dans cette chorégraphie frénétique. Pour remonter le moral à son ami Don, dépité d’avoir rencontré une fille qui lui résiste, Cosmo danse sur le piano, les murs, grimace, fait mine de se prendre les pieds dans le tapis et improvise un duo avec un mannequin de chiffon. Chorégraphié par Stanley Donen, qui ne sera jamais crédité à ce poste pour le film, le solo de O’Connor rappelle à plus d’un titre celui de Fred Astaire dans Mariage Royal, réalisé par le même Stanley Donen l’année précédente.

Par la suite, entre quelques pas de deux romantiques, les deux hommes vont alterner des moments follement rythmés, comme Moses Suposes. Alors que Don est en train d’apprendre à articuler chez un orthophoniste, il est rejoint par Cosmo et tous deux s’élancent dans un sublime duo de claquettes. Montant sur le bureau, se cachant dans les rideaux, jouant avec l’orthophoniste, la caméra virevolte autour d’eux, captant toute l’essence de ce duo d’une qualité rare. Dans le même registre, la séquence Good Morning, où, après avoir passé la nuit à remonter le moral à Don, Cathy et Cosmo l'entraînent dans un pas de trois sublime, touche à la perfection du genre. A cette scène, qui est le tournant du film, s'enchaîne Singin' in the Rain.

La chanson devait au départ être un pas de trois rassemblant Don, Cathy et Cosmo dans une version un peu plus rythmée que l’on retrouve en générique d’ouverture, mais Freed, Kelly et Donen ont jugé que la scène aurait plus de poids en solo. Le résultat est là.

Enfin, il ne faut pas oublier la séquence intitulée Broadway Melody, qui mélange à la perfection tout les styles de danses que l'on peut trouver dans une comédie musicale. Cette séquence ultime comporte les deux fameux pas de deux entre Gene Kelly et Cyd Charisse, deux stars au sommet de leur art. Passant du brûlant envoûtement d’une Cyd Charisse toute de vert vêtue au lyrisme bleuté d’un univers imaginaire, les chorégraphies sont élégantes, les portés légers et la symbiose parfaite.



Cyd Charisse

Cyd Charisse, de son vrai nom Tulla Ellice Finklea, est une actrice et danseuse américaine née le 8 mars 1921 et morte le 17 juin 2008. Elle est une des icônes de la danse à l'écran.

Cyd Charisse nait à Amarillo, au Texas. Après des cours de ballet dans sa jeune enfance, elle intègre la formation des Ballets russes en 1934 avec lesquels elle se produit sous les pseudonymes de Celia Siderova et Maria Istromena. Elle épouse en 1939 à Paris le danseur Nico Charisse. Le prénom de Cyd qu'elle adoptera plus tard est inspiré du surnom que lui donnait son frère quand il était petit, "Sid" (dérivé de "sis").

Après la dissolution de la troupe au début de la Seconde Guerre mondiale, elle regagne Hollywood où elle décroche quelques petits rôles dansés non crédités avant d'être remarquée pour son pas de deux avec Fred Astaire dans Ziegfeld Follies en 1946. Cette prestation lui procure un contrat de sept ans avec la MGM.

Elle épouse en 1948 le chanteur et acteur Tony Martin. En 1952, Gene Kelly la choisit comme partenaire pour le numéro - sans paroles - de Chantons sous la pluie, Broadway Melody. Surnommée « The Legs » (« les jambes ») tout comme Lauren Bacall était surnommée « The Look » (« le regard »), elle fait assurer ses jambes pour 5 millions US$ cette même année.
dans Sénorita Toréador (1947)

Bien qu'elle ne soit pas chanteuse (elle sera doublée dans tous ses films), ses qualités plastiques et artistiques lui permettent de décrocher son premier rôle principal parlant dans Tous en scène de Vincente Minnelli dans lequel elle retrouve Fred Astaire. S'ensuivent au cours des années 1950 plusieurs films musicaux à succès qui la hissent au rang de star dont La Belle de Moscou de Rouben Mamoulian en 1957, un remake de Ninotchka d'Ernst Lubitsch.

Le déclin du genre dans les années 1960 est aussi le sien, mais elle aura attaché son nom aux grandes heures de la comédie musicale. L'actrice meurt des suites d'une attaque cardiaque au Centre médical Cedars-Sinai de Los Angeles le 17 juin 2008. Elle est inhumée à Culver City, au cimetière Hillside memorial park.

Gene Kelly

Eugene Curran Kelly (nom de scène Gene Kelly) est un acteur, chanteur, réalisateur et danseur américain né le 23 août 1912 à Pittsburgh en Pennsylvanie et mort à Los Angeles, le 2 février 1996.

Gene Kelly est le troisième d'une famille de cinq enfants, et il eut trois frères et une sœur. Tous furent amenés et introduits par leur mère au monde de la danse. Bien que monté sur scène dès l'âge de 8 ans pour des spectacles amateurs, Gene Kelly préférait le sport et souhaitait faire partie de l'équipe de base-ball des Pittsburgh Pirates. Il pratiquait par ailleurs le hockey sur glace, la gymnastique, le football américain et la natation, autant de sports qui l'aidèrent à atteindre un niveau physique et une facilité technique en danse qui le rendirent célèbre. Gene Kelly, ayant surmonté son aversion première pour la danse, se produisit plus tard avec son frère Fred dans plusieurs spectacles en amateur sous le nom des Kelly Brothers.

En 1932, la famille Kelly au complet entreprit de monter un atelier de danse, The Gene Kelly Studio of the Dance, que Gene Kelly quitta en 1938 lorsqu'il fit ses débuts à Broadway dans la comédie musicale Leave It to Me. Il fut cependant véritablement remarqué dans Pal Joey en 1940, rôle qui lui valut un contrat par David O. Selznick à Hollywood. Selznick n'ayant pas de film à lui faire tourner, la MGM racheta son contrat et Gene Kelly tourna Pour moi et ma mie en 1942 avec Judy Garland.

Le succès du film et les critiques positives lui valurent une certaine notoriété mais la MGM n'avait aucun projet qui pût tirer parti de son talent et elle l'employa dans des comédies musicales de deuxième catégorie. En 1944, le studio « prêta » l'acteur à la Columbia pour laquelle il tourna La Reine de Broadway avec Rita Hayworth et assura la chorégraphie des numéros de danse. Le film eut un succès retentissant et marqua le début des années de gloire de la danse au cinéma. Gene Kelly avait su donner un style particulier à ses chorégraphies.

Dans son film suivant, Escale à Hollywood avec Frank Sinatra, Gene Kelly fit encore preuve d'innovation dans la chorégraphie qu'il mit en place, notamment dans la scène où on le voit danser avec Jerry la souris en dessin animé. La scène fut rejetée au départ par le studio, mais finalement acceptée et reste à ce jour un modèle du genre. Gene Kelly fut nommé pour l'Oscar du meilleur acteur pour ce film qui fut un succès.

En 1944, après avoir tourné Escale à Hollywood sorti l'année suivante et bien qu'au faîte de sa carrière, Gene Kelly souhaita participer à l'effort de guerre et s'engagea pour servir dans la division photographique de la Navy, jusqu'en 1946. Il participa au tournage de Ziegfeld Follies à son retour et continua sur sa lancée dans plusieurs comédies musicales.

Un jour à New York en 1949, second de ses films avec Frank Sinatra fut le théâtre de ses premières armes en tant que réalisateur, avec son complice Stanley Donen et le premier d'une série de comédies musicales à succès. Il fut suivi en 1951 par Un Américain à Paris et en 1952 par Chantons sous la pluie, deux des films les plus reconnus de Gene Kelly, tant par la critique que par le public. Le 18 avril 1956 il anime le mariage du prince Rainier III de Monaco et de l'actrice américaine Grace Kelly.

Sa carrière commença à décliner à partir du milieu des années 1950. Il s'installa en Europe pendant plus d'un an pour raisons fiscales et tourna L'Île du danger et Au fond de mon cœur deux films dans lesquels ses prestations, plus dramatiques, n'eurent pas le succès escompté. Il se fâcha avec Stanley Donen après le tournage de Beau fixe sur New York, mettant fin à une relation professionnelle et une amitié vieille de plus de 20 ans.

Il quitta la MGM en 1957 après le tournage de Les Girls, le studio ayant refusé de lui rendre la liberté le temps de films tels que La Blonde ou la rousse (Pal Joey) et s'il continua à tourner jusqu'à la fin de ses jours (plus souvent dans des rétrospectives et des spectacles de commémoration) il ne retrouva jamais le succès de Chantons sous la pluie. Son rôle le plus marquant de cette partie de sa carrière est Les Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy, à la fois un hommage et une innovation puisqu'il tourne en décors naturels et plus en studio. Il participa à des émissions de télévision pendant les années soixante, mais sa seule tentative à une série télé: dans le rôle du Père O'Malley dans "Going My Way" http://www.tv.com/going-my-way/show/4197/summary.html(1962-1963)se solda par un échec, bien que cette série ait connu une grande popularité dans des pays catholiques en dehors des Etats-Unis.

Enfin, il fut un réalisateur assez heureux. " Hello Dolly " fut un fiasco à sa sortie mais le temps lui a fait justice. Les autres réalisations de Gene sont plus intimes. " Gigot" ou " L'Attaque du Cheyenne Club " (avec James Stewart et Henry Fonda) méritent un regard.

Gene Kelly épousa Betsy Blair en 1941, dont il divorça en 1957. Ils eurent ensemble une fille, Kerry. Il épousa en deuxièmes noces Jeannie Coyne, dont il eut deux enfants, Thimothy et Bridget. Jeannie mourut d'un cancer en 1973. Il épousa Patricia Ward en 1990. Il mourut d'une série d'infarctus en 1996.